On ne la présente plus : Adeline Prudent, la première femme pilote de la Formule Renault Cup, a été diplômée en 2020 et exerce aujourd’hui le métier d’Ingénieur piste. Profession méconnue du grand public, mais très importante dans une écurie, les ingénieurs travaillent dans l’ombre des pilotes. Aujourd’hui, nous souhaitons vous en parler et pourquoi pas proposer aux plus jeunes, une perspective d’avenir sur les circuits.
Bonjour Adeline, peux-tu nous présenter ton métier ?
“Bonjour à tous ! J’exerce le métier d’Ingénieur piste, c’est-à-dire que je travaille avec les systèmes d’acquisition de données et caméras embarquées afin d’optimiser les performances des pilotes. Ce métier comprend à la fois de la gestion de stratégie, du réglage de châssis et du coaching de pilotage. En tant qu’ingénieur, la notion de coaching est peu présente, c’est pour cette raison que je passe actuellement le BPJEPS en école de pilotage pour me spécialiser et pouvoir proposer plus aux pilotes.
Ce métier est spécifique au sport automobile, mais mon diplôme à la base est Ingénieur Automobile et Transport. Celui-ci ouvre de nombreuses portes à travers le monde de la mobilité. Je me suis dirigé vers l’ingénierie piste, car je pilote et j’aime travailler dans ce milieu.
À l’heure actuelle, je travaille au sein d’un bureau d’études dans une société de transports du domaine civil et le week-end, je prends le rôle d’ingénieure piste sur les circuits, à mon compte.”
Qu’est-ce qui te plaît dans ce métier et qu’est-ce qui t’a attiré dans cette voie ?
“Ce qui me plait le plus dans ce métier, c’est d’aider les pilotes avec qui je travaille. Par exemple, j’étais l’ingénieure piste du SC Compétition (équipe de Formule Renault Cup) à Dijon avec Julien Bouche. Quand je travaille avec quelqu’un, c’est très plaisant de voir son niveau progresser au fil des tours et des sessions.
Cette notion de coaching avec de l’échange, la discussion avec le pilote et le voir s’améliorer est vraiment ce qui me plaît le plus.”
Quelles sont tes missions au quotidien ?
“La journée-type commence dès le soir d’avant ! Avec mon pilote, nous faisons le tour de la piste pour l’analyser de fond en comble et en saisir toutes les spécificités. Le soir, je m’occupe également de préparer et de vérifier tous les éléments qui me serviront le lendemain : la caméra, les capteurs de données, etc.
Le lendemain, jour de roulage, la première chose à faire est de briefer son pilote. Je lui explique quel est le déroulé de la journée et quels sont les objectifs. Ensuite, le pilote part en piste. À son retour, je récupère toutes les données et je vais les analyser avec lui dans un endroit calme, pour que l’on puisse débriefer. Je prépare en amont une fiche avec toutes les données importantes.
Nous commençons la discussion en regardant les enregistrements des caméras pour analyser les trajectoires et voir ce que l’on peut améliorer. Ensuite, nous passons à la partie des données, où nous regardons ensemble les enregistrements volants, freins et accélérations. Une fois ces deux parties terminées, nous passons au ressenti pilote : est-il à l’aise au volant, y a-t-il des éléments de réglage à modifier, etc.
Une fois ce débrief terminé, j’échange avec le mécanicien pour intervenir ou non sur la voiture, puis je m’occupe de vérifier les éléments de fiabilité de la voiture : capteurs, pression, etc. Et cela à chaque fin de session.
À la fin de la journée, je fais un gros débriefing sur les éléments positifs et négatifs, puis je propose ou donne des solutions afin de corriger pour le lendemain ou la prochaine fois.
Avec certains pilotes, il y a un suivi régulier, car ceux-ci participent au championnat complet, mais parfois, ce sont juste des prestations au week-end ou à la journée donc il y a moins d’échange dans le temps.”
Peux-tu nous parler de ton cursus scolaire pour arriver jusque là ?
“Je viens d’un cursus classique Scientifique Science et Vie de la Terre, puis je me suis dirigée vers un BTS MCI (Moteur à Combustion Interne). Pendant deux ans, j’avais la tête dans les moteurs sans m’arrêter (rires). J’ai terminé la formation parmi les meilleurs élèves et cela m’a permis d’entrer à l’ISAT (Institut Supérieur de l’automobile et du Transport), une école d’ingénieurs située à Nevers.
Durant ces cinq années d’études, j’ai eu plusieurs stages dont un chez PREMA Racing qui exploitait des F4. Au cours de ce stage, j’ai eu la responsabilité de gérer quatre monoplaces en même temps sur les meetings, de quoi me faire la main. Mon dernier stage s’est fait au sein de ma micro-entreprise où j’avais déjà la chance de suivre plusieurs pilotes sur circuit, en monoplace, prototype et karting.”
Le métier d’ingénieur piste peut-il se réaliser sur n’importe quel type de véhicule ?
“Tout à fait ! Lorsque je roulais en Clio Cup il y a quelques années, je réalisais ma propre acquisition de données, ainsi que celle de mon équipier.
Peu importe le véhicule, le métier d’ingénieur piste peut s’appliquer à n’importe quel sport automobile. J’ai eu l’occasion de faire de la monoplace, du prototype, de la berline et du karting jusqu’ici.”
Comment gères-tu la double casquette pilote/ingénieure de piste quand tu es amenée à rouler sur une épreuve ?
“J’adore avoir cette double casquette, mais c’est parfois compliqué à gérer ! Le plus difficile est la gestion du temps, car les pauses sont courtes et je dois gérer à la fois les données de mes pilotes et les miennes.
Par exemple à Dijon, j’ai connu un souci technique sur la voiture : à la fin de la session, je suis sortie de la voiture, j’ai indiqué à mon père tous les éléments à corriger et je suis partie voir mon pilote (rires).
Une fois le débriefing avec mon pilote terminé, je reviens à mon stand et c’est généralement l’heure de se remettre dans la voiture pour repartir. Heureusement, je peux compter sur ma famille et mon équipe pour m’aider dans la gestion des meetings.
Au niveau du coaching, j’arrive également à prendre du recul sur mon pilotage et à corriger mes erreurs. Je travaille parfois avec des pilotes en monoplace et cela m’aide aussi sur cette prise de conscience. Cette double casquette me donne également de la crédibilité dans cette partie de coaching, car les pilotes me prennent au sérieux en voyant que je pratique.”
Quels sont les éléments clés pour réussir dans ce métier ?
“Mon stage dans l’écurie PREMA Racing a été l’élément le plus fort au cours de mes études. Je suis repartie avec beaucoup de connaissances et de savoir-faire au cours de cette première expérience. Après quatre mois à travailler au quotidien avec des ingénieurs et des pilotes, j’ai acquis énormément de connaissances utiles aujourd’hui.
Ma formation n’ayant pas été axée sur le sport automobile, les expériences de stage ont vraiment été déterminantes. De plus, le fait de pratiquer pendant mes études alors que je roulais en Clio m’a bien aidé. Je dirais que le plus important est de prendre de l’expérience au bon endroit !”
Un conseil à donner aux futurs ingénieurs en devenir ?
“Le parcours de la vie professionnelle commence dès le lycée. Se motiver pour réussir le plus tôt possible est indispensable. Les écoles d’ingénieurs recherchent les meilleurs profils et il faut pouvoir attester de bonnes compétences et s’accrocher pour pouvoir se faire une place.
De plus, le monde du sport automobile étant assez restreint, il faut essayer d’avoir le plus de crédit possible auprès des acteurs majeurs. Dans les paddocks, tout le monde discute et si une relation avec une écurie se déroule bien, c’est potentiellement tout le paddock qui vous ouvrira ses portes et inversement si cela se déroule moins bien.”
Adeline Prudent travaille également avec les experts de My Racing Coach pour leur cours sur l’acquisition de données. Vous pouvez, vous aussi, découvrir ce domaine dès à présent en suivant leur formation.