Cet été, après notre publication sur le métier d’Ingénieur piste, nous souhaitons vous présenter une série d’articles spécifique à la création des voitures de course. Pourquoi en crée-t-on ? Quel est le processus et quelles sont les pratiques les plus adaptées ? Nous sommes allés à la rencontre de Guillaume Deneux du constructeur Zulltec, qui termine en ce moment la création d’une nouvelle voiture dédiée à la piste.
La partie 1 est à lire en suivant ce lien.
Quelles sont les différentes étapes de la construction, de l’idée à l’exploitation ?
La réglementation
Le premier point est tout d’abord l’étude de la réglementation. Il faut la connaître sur le bout des doigts afin d’en saisir les moindres détails. Avec cette connaissance, c’est alors que la réflexion commence pour lire entre les lignes. Qu’est-ce qui va faire la différence entre deux voitures qui sont construites sur la base du même règlement ? Son interprétation. Il faut savoir ce que nous pouvons faire, et ce que nous ne pouvons pas faire. Le but n’est pas de ruser vis-à-vis des règlements, mais il y a des possibilités d’ouverture à l’innovation et à la performance. Les saisir, c’est s’assurer d’avoir un produit efficace et donc d’une voiture rapide.
Le châssis
La deuxième étape est le dessin du châssis en 3D. Celui-ci se fait, comme dit précédemment, en prenant en compte tous les éléments qui viendront se fixer dessus (moteur, boîte de vitesses, etc). Nous partons du principe que les grands choix du projet sont déjà réalisés à la première étape. On dessine donc des blocs pour chaque sous-élément de la voiture en fonction de ses choix : roues de 16 pouces ? 18 ? Moteur avant, central ? Tous ces choix techniques vont influer sur la création du châssis et la gestion de son volume.
La carrosserie
Après ces dessins de blocs, nous pouvons dessiner la carrosserie de la voiture et donc définir l’aérodynamisme du produit final. La carrosserie est alors passée en soufflerie virtuelle. Chaque modification va influencer l’aéro de la voiture et il faut s’assurer que cela soit positif. Cette étape est généralement assez longue, car elle nécessite beaucoup de tests et d’optimisations. Il est même difficile de s’arrêter, car l’aérodynamique n’a pas de limite, il faut savoir dire stop au bon moment après un certain temps passé ou un objectif atteint. Après cette étape, la carrosserie est actée à environ 90%.
Il reste encore plusieurs éléments accessoires à régler comme les radiateurs et les couloirs d’air par exemple. Ils prennent une place non négligeable. Faire une voiture avec beaucoup d’aérodynamique sans prise d’air pour le radiateur ou le turbo, c’est très facile. Le moment où cela se complique est bien évidemment celui où il faut amener de l’air quelque part.
La liaison au sol
L’étape suivante est de dessiner tous les éléments qui vont lier le châssis au sol. Ceux-ci vont se fixer sur notre coque et ainsi créer le comportement de la voiture par terre. On parle des portes moyeux, des triangles de suspension, des trains roulants, etc. Cette étape peut également se faire en parallèle de l’aérodynamisme, car les deux ne dépendent pas vraiment de l’un et de l’autre, mais du châssis en lui-même.
L’électronique
Après ces étapes, on s’approche du but avec le dessin en 3D, mais il manque encore l’électronique de la voiture. Il faut maintenant se poser des questions, si ce n’est pas déjà fait, sur la gestion électronique de la voiture, du moteur, la pompe à essence, etc. Il faut savoir quels faisceaux électriques utiliser, quel boîtier et quelle place cela va prendre. Ce sont également de gros choix techniques et de la même manière que pour le moteur, c’est un métier à part entière de construire des boîtiers électroniques pour voiture de course.
On commence maintenant à avoir une voiture fonctionnelle en théorie. Il reste maintenant l’étape de la construction et de la mise en piste !
La fabrication
Une fois que tous les éléments de la voiture sont prêts en 3D, nous pouvons commencer la fabrication du châssis. Suivant le type de châssis, le travail n’est pas le même et le temps de création non plus. Il faut donc prévoir un calendrier adapté en fonction de nos besoins. Une fois terminé, il faut l’homologuer, car plusieurs normes sont à respecter. La suite passe par la fabrication de la carrosserie, en général en fibres, avec usinage des moules. En parallèle de cela, nous pouvons envoyer en usinage toutes les pièces de la liaison en sol, rarement faites en interne.
Le montage
Avec tous les éléments en main, on peut maintenant attaquer le montage de la première version de la voiture. Bien entendu, les ajustements sont très communs, surtout au niveau de la carrosserie et de la fibre. Il peut même arriver de changer de concept sur certains points, car cela ne plaît pas. De notre point de vue, nous n’avons pas peur de tout casser pour tout refaire. S’il y a eu des erreurs de conception, il faut alors reprendre les éléments incriminés et voir comment corriger cela. Il ne faut pas avoir peur de repartir en arrière.
La mise en piste
Avec Zulltec, nous sommes en plein dans cette étape. Je dirais que la première chose à vérifier avec la voiture que nous venons de créer est sa fiabilité. C’est ce qu’il y a de plus compliqué à mon sens. Pour éprouver sa voiture, il n’y a pas de secret, il faut rouler, rouler et encore rouler, pour voir ce qui casse et ce qui ne va pas. En fonction des problèmes rencontrés, l’idée est bien évidemment de corriger, puis de tester à nouveau et ainsi de suite. C’est de cette manière qu’on tend vers une fiabilité optimale. Certains constructeurs comme nous n’avons pas peur de venir en course faire du roulage, d’autres vont privilégier les journées privées. C’est néanmoins une étape compliquée, car difficile à simuler en avance. Il faut aller dans le dur pour bien voir que telle pièce va céder au bout de trois heures ou trente.
Concernant la performance, elle peut commencer à se voir quand la voiture roule correctement. La confiance au volant est un des points les plus importants pour aller chercher des chronos. La chose la plus difficile avec les tests de performance, c’est que nous ne savons pas ce qui va casser ou pas. En fonction de la pièce, cela peut avoir un impact considérable sur la sécurité ou non. Le but est donc d’y aller progressivement et d’avoir conscience que tout peut ne pas se passer comme prévu. En plus de ça, nous ne connaissons pas les limites de la voiture, car elle sort des ateliers. Dans notre cas, nous avons l’habitude des Clio IV, mais pas d’une petite GT. Tout est nouveau et les limites sont difficiles à évaluer. La performance va donc se chercher au fur et à mesure pour éviter de se faire mal.
Pour moi, la performance, c’est surtout la compréhension du châssis. Il ne faut pas avoir peur d’essayer toutes les configurations de réglages possibles de manière à comprendre la voiture. Une fois que celle-ci est « apprivoisée » et qu’une base est acquise, nous pouvons pousser la voiture dans ces retranchements sans dépasser ses limites et ainsi être performants.
L’exploitation et la vente
Nous n’en sommes pas encore là, mais de ce que je peux voir depuis plusieurs années, c’est une étape plus simple que les précédentes. Une fois que la voiture est fiable, performante et qu’elle roule, il va forcément y avoir des personnes prêtes à l’acheter. Les gens achètent très souvent des voitures pour gagner, en fonction de leur budget bien entendu. Quand l’auto remplit ces objectifs, elle sera sur le devant de la scène.
À partir de là, les tests peuvent commencer, que ce soit avec des particuliers ou des teams.
La dernière étape, plus compliquée celle-ci, est l’exploitation. La gestion des voitures et des pièces peut être difficile dans certains cas. En tant que constructeur, il faut pouvoir assumer les voitures et leurs pièces, que ce soit en usine mais aussi sur place lors des épreuves. L’idéal est d’avoir un camion de pièces, car la plupart des équipes ne sont pas capables financièrement de stocker des dizaines de pièces. C’est la gestion des clients qui est compliquée, car ils ne vont pas forcément essayer la voiture comme le constructeur. Ils vont utiliser des réglages différents et il faut pouvoir les accompagner dans leur recherche de performance. Mais si l’on se retrouve à cette étape, c’est que la voiture a bien été conçue et que notre travail a déjà payé !
Pour avoir plus d’informations sur Zulltec et leur nouvelle GT, rendez-vous sur leur site internet : www.zulltec-racing.com