Basée à Lohéac en Bretagne, la société NJ Motors est avant tout un atelier de préparation : mise au point moteur, développement, entretien,… Depuis fin 2022, l’équipe est également présente en compétition en engageant jusqu’à 4 voitures dans les championnats Sprint et Endurance du TTE. Lors de notre finale au Mans, nous avons rencontré Nicolas Jégou, le cerveau à l’initiative de ce projet auquel il prête ses initiales.
Comment es-tu arrivé à la place que tu occupes aujourd’hui dans l’univers du sport automobile ?
Je suis venu au sport auto un peu sur le tard. Enfin, j’ai toujours roulé en tant qu’amateur, en karting, puis dans les rencontres Peugeot Sport en 206 pendant quelque temps. Après je suis passé en Clio Cup, puis en Funyo, j’ai fait un peu de Rallycross étant de Lohéac évidemment. J’ai fait un peu de glace aussi, j’ai essayé des Protos sur la glace pour voir un peu… En fait j’ai eu un parcours de passionné avec les moyens que j’avais pour aller tester un peu toutes les disciplines. J’ai même essayé le rally, j’ai vite arrêté ! [rire]
J’ai eu un parcours professionnel qui tournait toujours un peu autour de l’automobile. J’ai fait une petite entorse en essayant de reprendre la boîte familiale qui était une entreprise de transport basée à Rennes, sinon tout le reste du temps j’ai travaillé pour des constructeurs automobiles (Volkswagen, Fiat,…). À côté de ça je donnais des cours de pilotage à droite à gauche quand ce n’était pas encore obligatoire d’avoir son BPJEPS.
J’étais en école d’ingénieur, ESTACA, qui était très axée automobile et sport auto. Et pour financer mes courses j’ai commencé à motoriser des voitures, faire les boîtes de vitesses etc. Donc à côté de mes métiers principaux je faisais un peu de préparation moteur. Et à un moment donné mon parcours professionnel s’est arrêté assez brutalement, et la question s’est posée d’en faire mon métier. Il m’a fallu 15 jours pour décider. [rire] J’ai commencé à m’organiser un petit atelier dans mon garage à la maison, et plusieurs clients ont commencé à me suivre. L’aventure a démarré comme ça et c’est là que j’ai créé NJ Motors réellement. Au bout d’un an l’opportunité s’est trouvée d’acheter un bâtiment à Lohéac, me retrouver au cœur du village automobile et installer un truc un peu plus sérieux. C’est aussi à ce moment-là que j’ai embauché Samuel qui a été mon premier motoriste et qui sortait d’un centre de formation à Redon qui est très spécialisé dans le sport auto aussi.
Chemin faisant, NJ Motors grandit, on commence à avoir des clients qui nous amènent leurs voitures de course, qu’on règle, et à un moment donné les clients nous disent “dis donc on aimerait bien rouler avec nos voitures, et quand on va rouler ailleurs et que c’est pas toi qui t’en occupes ça se passe pas bien, donc est-ce que tu pourrais venir avec nous faire rouler les voitures ?”. Quand tu viens de créer ta boîte, le boulot tu le prends, et puis évidemment me retrouver sur les circuits ça ne me déplaisait pas. Sauf que je le faisais en tant que professionnel et plus en tant qu’amateur. Petit à petit on a structuré la chose, on a fait beaucoup de trackdays à Lohéac parce qu’on a un circuit juste à côté de l’atelier. On a créé un rendez-vous une fois par mois où les gens venaient rouler avec leurs propres autos. Petit à petit les pilotes ont décidé de faire de la course, et on a démarré comme ça.
4 voitures porteront les couleurs NJ Motors ce week-end au Mans : deux Clio IV sur l’Endurance de 6h, tu seras en TTE Light sur la BMW #140 avec Olivier Sirdey, et surtout en Free Berline GT Frédéric Renaudin pilotera la Porsche #101. Tu commences à avoir un gros projet construit, est-ce que tu peux nous en parler ?
Aujourd’hui j’ai une problématique qui est que : entre l’atelier de mécanique qui fait de la préparation, le service course et l’école de pilotage – parce qu’on a repris une école de pilotage en début d’année donc on organise des stages toute l’année – j’ai du mal à tout faire. Le projet course jusqu’à maintenant c’était un peu le projet bonus, plaisir, pour faire plaisir évidemment à mes clients et aussi alimenter un peu la structure atelier. Là c’est clairement en train de se construire un peu plus sérieusement et on a encore des demandes d’autres pilotes pour l’année prochaine donc on sera probablement au moins 6 voitures. Donc la question se pose encore de structurer tout ça. J’avance vraiment à tâtons, la grosse difficulté dans le sport automobile c’est de ne pas se faire avoir par le côté passion sans compter. Je veux vraiment avancer de façon raisonnée, et ce qui est vraiment important c’est de raisonner équipe. Aujourd’hui, on est forts et j’ai envie de dire que tout se passe bien : les résultats sont là, les pilotes sont contents, les budgets sont maîtrisés – mais il faut responsabiliser tous les membres de l’équipe et les faire monter en compétences en même temps que l’entreprise. Et c’est vraiment ce que j’essaye de faire, je ne veux pas griller les étapes. Je veux vraiment nommer des gens qui soient capables d’avoir la responsabilité technique, qui soient capables d’avoir la responsabilité logistique, et gérer l’accompagnement des pilotes parce que c’est aussi la clé de nos prestations.
Ton activité à Lohéac est basée surtout sur le sport auto, l’optimisation, la mise au point et l’accompagnement. Quel est l’impact de l’engagement de toutes ces voitures ici au Mans pour ta société NJ Motors ?
Il y a un vrai intérêt. Quand un client pousse la porte de l’atelier pour nous confier sa voiture plaisir – parce qu’aujourd’hui les voitures qu’on entretient ce sont les troisièmes, quatrièmes, cinquièmes voitures de nos clients – il faut qu’on soit crédibles. Il faut qu’il ait le sentiment qu’on va bien s’occuper de sa voiture. Et clairement quand on fait de la course et qu’on a des bons résultats, qu’à chaque week-end on rentre en ayant eu quasiment zéro panne, je trouve que la crédibilité technique de la structure n’est plus à faire. Donc on arrive vraiment à valoriser nos compétences techniques par la course.
Tu te gardes un peu de temps pour prendre encore le volant pendant les courses ?
Jamais, à part ce week-end ! Mes clients me le proposent tout le temps, et ça me fait plaisir parce que je suis dans de l’accompagnement, du coaching, du conseil. Forcément ils ont envie de voir comment on peut faire équipe… Donc ce week-end exceptionnellement je vais déléguer la partie technique et je vais faire confiance à mon équipe ; et je vais mettre le casque et m’isoler un peu dans la voiture. C’est cool à faire, surtout sur un circuit comme Le Mans. Mon équipe a été super parce qu’ils m’ont dit “Mais Nico vas-y fais-le. Tu bosses comme un fou, tout ce qu’on fait c’est une belle aventure fais toi plaisir.”. J’ai un peu de mal à dire attend mais aujourd’hui ma place elle est pas derrière un volant c’est bon, pour moi le sport auto reste de l’amateurisme et du plaisir. Là je suis pro et mon côté pro c’est plutôt avec la casquette de Team Manager. Donc je ne le ferais pas toute l’année, mais ponctuellement, on se fait un petit plaisir.
Dans ta présentation tu t’intéresses aux Peugeot 206, on pourrait retrouver quelques voitures aux couleurs NJ Motors en 206-208 Relais ?
Je suis sollicité pour ça, parce qu’on est assez spécialisés Peugeot et 206. C’est notre étiquette NJ Motors : on a beaucoup de 206 qui viennent de toute la France pour qu’on les prépare. Aujourd’hui je me pose la question parce que je trouve que c’est compliqué de s’occuper d’un côté d’une Porsche Cup en Sprint et de l’autre d’une 208 en Endurance par exemple.
Justement on se demandait, de la 206 ou la Clio à la Porsche Cup il y a un grand écart, comment gérez-vous ça dans l’équipe ?
Aujourd’hui en course on n’a pas de 206, on a des Clio Cup qui sont relativement performantes et qui pour moi sont de vraies voitures de course. Donc entre une Porsche Cup et une Clio Cup ou la fameuse BM, aujourd’hui on sait gérer parce qu’on a un niveau d’exigence qui correspond à ces autos. Pour faire de la 206-208, je trouve que l’encadrement à mettre en place est un peu différent – tout aussi professionnel, mais ce n’est pas la même approche. Ce sont des voitures en pneus de série, qui sont assez peu puissantes, avec une approche du pilotage spéciale aussi,… Donc je me pose vraiment la question aujourd’hui. Si on le fait, je veux être sûr qu’on sera compétents et que ça se passera bien. Je ne veux pas le faire à moitié.
Un grand merci à Nicolas d’avoir pris le temps de répondre à nos questions. Nous lui souhaitons une saison 2024 aussi enrichissante qu’en 2023, et une belle réussite dans ses projets futurs que nous avons hâte de découvrir !
Propos recueillis par Gérard Jolivet et Alexia Ortega. Crédit photos : Gaëtan Minoc, Louis Fabbri